Claude Lévi-Strauss, un explorateur de l’esprit humain

TRISTES TROPIQUES« L’ethnologie est d’abord une psychologie » (La Pensée sauvage, Plon, 1962, 1969)

Claude Lévi-Strauss vient de disparaître; c’était un grand homme et une pensée vivante. Selon Michel Matarasso, notre regretté professeur d’anthropologie médicale à Paris 13, Lévi-Strauss était  » un explorateur de l’esprit humain ». Je tente dans ce court article  de comprendre pourquoi.

Le projet de Claude Lévi-Strauss est d’explorer l’esprit humain et notamment la pensée inconsciente qui le gouverne au moyen des systèmes symboliques comme le langage, la représentation des liens de parenté ou les mythes. Il s’agit plus d’une approche cognitive qu’émotionnelle, à savoir que les affects rentrent peu en ligne de compte du moins en tant que causes des pensées et des actes humains mais plutôt comme des conséquences; les aspects psychologiques découlant essentiellement des données sociologiques.  Lévi-Strauss ne nie pas, pour autant, la dimension émotionnelle mais la pense comme une résultante et non comme un déclencheur. C’est ainsi que dans « Le Cru et le cuit » (1964), volume premier de l’opus « Les Mythologiques », Lévi-Strauss compare la musique et la mythologie en tant que systèmes construits d’abord et qui peuvent être sources d’émotions mais cette conséquence ne l’intéresse pas outre mesure.

S’il existe un inconscient Lévi-straussien, il n’a rien à voir avec celui de Freud, car il ne laisse aucune place aux pulsions et au refoulé. Cet inconscient structure les représentations du monde de par sa fonction symbolique qui donne un sens, d’où l’appellation du courant de pensée que Claude Lévi-Strauss incarne : le structuralisme .

En donnant une importance capitale aux inter-relations entre les groupes plutôt qu’au groupe lui-même, Lévi-Strauss a changé le paradigme habituel de l’anthropologie. L’objet d’étude nécessite alors un décentrage plus net de sa propre culture. La recherche anthropologique n’est plus focalisée sur le détail d’un objet ou d’un habitus mais sur le lien et la relation que ce dernier crée entre les membres du groupe et au delà sur sa vocation peut-être universelle, sans sacrifier, toutefois à la tentation  universaliste et à la généralisation excessive.

Derrière tout mythe, Lévi-Strauss nous invite à découvrir la parole, les signes d’un langage construit sur des invariants ou des universaux, les « mythèmes » que l’on retrouve d’une culture à l’autre.

Avec « Anthropologie structurale » publié en 1958 et « Anthropologie structurale deux » (1973) , Claude Lévi-Strauss donne corps à sa théorie sur les peuples premiers et leurs mythes, travail qu’il peaufinera dans la « la Pensée sauvage » (1962) et les « Mythologiques » (4 volumes de 1964 à 1971).

Pour Philippe Descola, successeur actuel de Claude Lévi-Strauss à la chaire d’anthropologie sociale au Collège de France, c’est « L’œuvre scientifique considérable de Lévi-Strauss ne doit pas faire oublier l’importance de sa réflexion morale : dénonçant sans relâche l’appauvrissement conjoint de la diversité des cultures et des espèces naturelles, il a toujours vu dans l’anthropologie un instrument critique des préjugés, notamment raciaux, en même temps qu’un moyen de mettre en œuvre un humanisme « généralisé ». »

Claude Lévi-Strauss est né le 28/11/1908 à Bruxelles et décédé le 30/11/2009 à Paris. Après plus de quatre années de travail (1935-1939) sur le terrain auprès des Indiens d’Amazonie brésilienne, il publie sa thèse « Les Structures élémentaires de la parenté » (1949) ouvrage incontournable pour les chercheurs en anthropologie et qui sera suivie de nombreux ouvrages qui font autorité . Son ouvrage sans doute le plus célèbre auprès du grand public est « Tristes tropiques (1955).

« Quand nous commettons l’erreur de croire le sauvage exclusivement gouverné par ses besoins organiques ou économiques, nous ne prenons pas garde qu’il nous adresse le même reproche, et qu’à lui, son propre désir de savoir paraît mieux équilibré que le nôtre ». (« La Pensée sauvage »)

Guy Lesoeurs

Bibliographie

Comprendre Claude Lévi-Strauss, un numéro spécial de la revue Sciences Humaines, novembre-décembre 2008. 

Bertholet D., Claude Lévi-Strauss, Odile Jacob, 2008.

Cazier J.-Ph. (dir.), Abécédaire de Claude Lévi-Strauss, Éditions Sils Maria, 2008 (ISBN : 978-2-930242-57-6)

Hénaff M., Claude Lévi-Strauss, Belfond, 1991.

 Hors-série de la Lettre du Collège de France, « Claude Lévi-Strauss, centième anniversaire », novembre 2008.

Filmographie

Claude Lévi-Strauss, entretien avec Bernard Pivot du 4 mai 1984, DVD édité par les éditions Gallimard et l’INA, 2004.

Claude Lévi-Strauss, un film d’entretiens réalisé par Jean José Marchand et Pierre Beuchot produit par l’INA & Arte, et proposé en DVD par les Éditions Montparnasse.

Documentaire 52′ : À propos de « Tristes Tropiques » 1991 – Film Super 16.

Attrape-rêves: plus qu’un gadget… une tradition amérindienne

attrape-rêves objiwa ou cherokee vers 1900 avec plume d'aigle, Coll. personnelle
Attrape rêves objiwa, circa 1900, Collection personnelle

 

Un très vieil objet rituel indien d’Amérique du Nord garnis de plumes et de fourrure Vous le voyez se balancer au gré du vent dans les boutiques de souvenirs du monde entier : l’attrape-rêve, dreamcatcher, appelé aussi piège à soucis, ou spider-web-charm (charme en forme de toile d’araignée). La plupart des touristes n’en connaissent pas l’origine et encore moins la légende. C’est un vieil objet chargé de sens.
Jusqu’au milieu du XXe siècle et encore maintenant dans certaines tribus amérindiennes du Nord, l’attrape-rêve sert d’objet rituel pour protéger les songes des enfants dans leurs berceaux et dans la quête de visions des adultes. Entretenue par l’artisanat local, la coutume de l’attrape-rêve dans les chambres est toujours vivante en Amérique du Nord.

Le véritable attrape-rêve –que l’on appelle a’sûbike’cin en dialecte Ojibwa qui signifie « ressemble à un filet (a’sub) » ou encore bwaajige ngwaagan qui signifie piège à rêves– est une sorte de raquette ronde (d’un diamètre de 10 à 20 cms) formée par une branchette forcée en cercle de saule, saule des vanniers, Salix viminalis, écorcée et séchée sur un rondin de bois et d’un filet en coton, en fibres d’autres plantes ou bien encore en tendons d’animaux (daims ou bisons). De cette raquette pendent de fines lanières de cuir auxquelles étaient attachées jadis des plumes d’oiseaux sacrés (aigle) remplacées aujourd’hui par des plumes peintes de dindons. De manière organique, l’attrape-rêves ne dure pas très longtemps, ce qui explique la rareté des pièces anciennes.

Trier les bons et les mauvais rêves

Les Amérindiens du Nord cherchent à préserver l’enfant, dès sa naissance, des mauvais esprits présents dans les cauchemars. La fonction originelle de l’attrape-rêve amérindien est d’attraper les rêves qui flottent dans l’air de la nuit et de les trier en bons et mauvais rêves. Cette « épuisette » à rêves était principalement fixée sur l’anse du porte-bébé qui servait aussi de berceau pour le « papoose » d’Amérique du Nord en compagnie de son cordon ombilical séché dans un petit sac des coquillages et d’autres charmes destinés à éloigner les mauvais esprits…

suite dans quelques jours.

Guy Lesoeurs

 

Si vous voulez en savoir plus l’article complet  » Capture mon rêve, Mère araiagnée.. »se trouve dans Le Numéro « Les Mondes de la nuit  » de la revue L’autre, clinique, Cultures et sociétés, 2004, vol5, 1, Editions La pensée Sauvage. Grenoble.

 

EXPOSITION. TREMPLIN CREATIF AU PARADOU

logo_03b-1Notre petit village du Paradou, à quelques kilomètres des Baux de Provence haut lieu de peintres renommés comme Brayer, possède aussi des atouts dont Charloun Rieu, un écrivain provençal dont le buste orne la fontaine en face de notre mairie,  Antoine Pautus, écrivain de nouvelles et de romans, en pleine forme et qui tient la dragée haute aux jeunes générations. Sa dernière conférence « Marseille en vert de gris, (1940-1944) » et le succès qu’elle a eu auprès de 70 personnes l’atteste. Il y a quelques semaines, notre amie Célestine nous quittait. A prés de 90 ans, Célestine peignait encore.

A Paradou et aux alentours il existe bien d’autres créateurs. Nous avons eu l’idée de les réunir pour une exposition avec  l’aide de la Municipalité et de son dynamique élu, Henri Graugnard, adjoint à la culture et aux festivités .

L’association Cerveaux Sans Frontières et la Mairie du Paradou vous proposent la première exposition du groupe Es’cale (Espace Socio-Culturel Arts et Lettres). Les amateurs pourront y apprécier les  peintures de Jean Jacques Marie (Maillane), Pilou Priaulet (Maussane), Caroline Vigne (Raphèle), Valérie Laget (Le Paradou), Lilit (Tarascon), les collages de Géhel et les photographies d’Alain Cavenago (Le Paradou) ainsi que les sculptures et meubles design en acier de Rémy Vigne (Raphèle) et la ferronnerie d’art de Claude Roqueirol (Le Paradou).CARTE EXPO

Un atelier accueillera les enfants qui réaliseront sur place une fresque de collages sur le thème du lien entre les générations.

Hélène Brunelle (Paris), spécialiste des effets spéciaux, réalisera des maquillages de blessures pour secouristes…nul doute que les enfants seront autant intéressés que les adultes en ce jour d’Halloween !

Lors du vernissage, vendredi 30 novembre à 18h, un hommage sera donné à Célestine (Le Paradou). Quelques œuvres provenant de collections particulières seront exposées.

Exposition le Samedi 31 octobre et dimanche 1 novembre de 10 à 12h et de 14h à 18h. Vernissage vendredi 30 octobre à 18h. Entrée gratuite

La salle polyvalente est très adaptée à ce type de manifestation et nous remercions la Mairie de nous la prêter et les les sponsors ci-dessous de nous avoir aidés. (Christiane Barlette Immobilier (le Paradou), Delia Horticulteur (Raphèle), DCC Art et villages-France.com (Maillane), La Calissonnerie des Trois Dauphins (Puyricard), Institut Kerux coaching et médiation (Le Paradou), Bois et fers (Caphan)).

Guy Lesoeurs

 

 

 

paysage des Baux de Provence, collection G. Lesoeurs
Celestine, paysage des Baux de Provence, collection G. Lesoeurs

 

 

Le frère venu d’ailleurs…

Le Dr Taïeb Ferradji est un ami cher. C’est un humaniste dans tous les sens du terme. Docteur en Sciences Humaines, médecin, psychiatre, écrivain, spécialiste de la clinique transculturelle, il est aussi et surtout une personne de proximité par son sourire et cette faculté rare de poser son regard sans juger.

J’ai la grande chance de cheminer à ses côtés. Nous avons réalisé, ensemble, un film de formation destiné aux coordinateurs hospitaliers de prélèvments d’organes et de tissus sur l’approche tranculturelle. Nous avons appelé notre film Le frère venu d’ailleurs…approche transculturelle du don d’organes.

Je n’ai pas trouvé de meilleur titre pour cet article qui présente l’ouvrage de Taïeb Ferradji, Ces exils que je soigne qui vient de paraître et qu’il signera au salon du Livre.

Ouvrage de Taïeb Ferradji

 

ces-exils-que-je-soigne

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces exils que je soigne

La migration d’un enfant de Kabylie

 

Début des années 1970 dans un village de Haute Kabylie en Algérie. Un enfant de dix ans à peine sert d’écrivain public aux femmmes et aux hommes qui veulent correspondre avec les leurs partis travailler en France. Taïeb Ferradji est l’un des rares villageois à savoir lire et écrire…

Quarante ans plus tard, à l’hôpital Avicenne de Bobigny, le villageois kabyle devenu kabyle devenu psychiatre écoute la parole des migrants et leurs familles venus de la planète entière. Ils ont en commun d’avoir cru au rêve doré d’un nouveau pays et d’avoir vécu la souffrance de l’arrachement à la terre natale. Dans un récit tendre et parfois tragique, un médecin livre son parcours de migrant. Une trajectoire bousculée par les soubresauts de l’histoire algérienne. Une histoire simple et bouleversante qui met des mots sur les blessures de tout exil pour apaiser le passé et oser exister.

L’authentique se cultive-t-il?

Soleil pâle d\'hiver

Commençons par un haiku, petit poème japonais…

Masque d’hiver pâle

Rosée gelée

Attendre

L’authenticité d’une personne est synonyme de sincérité, c’est-à-dire « ce qui exprime la vérité profonde de l’individu et non des habitudes superficielles (p.1024, Le Grand Robert de la langue française, 2001).

Je pense que la valeur authentique est ce qui se laisse voir d’une personne sans qu’elle en ait vraiment conscience c’est-à-dire la sincérité (du latin sin cerus : sans cire): ce qui transparaît  en dessous du vernis ou du fard. C’est la raison pour laquelle je pense que l’on peut cultiver et travailler son « authentique » (le rendre plus conscient) pour être plus heureux avdec soi-même et aider les autres.

« Je voudrais, tout le long de ma vie, au moindre choc, rendre un son pur, probe, authentique. Presque tous les gens que j’ai connus sonnent faux. Valoir exactement ce qu’on paraît, ne pas chercher à paraître plus qu’on ne vaut. » A. Gide, Les faux-monnayeurs, II, 4.

Les synonymes d’authentique sont : sincère, juste, naturel et vrai.

Perception de l’image juste et représentation du vrai, l’authentique s’exprime dans la façon de se dire.

Guy Corneau, dans sa préface au livre de Thomas d’Assembourg « Cessez d’être gentil, soyez vrai » (Les Editions de l’Homme, Montréal, Québec, 2001) écrit « Exprimer sa vérité dans le respect d’autrui et le respect de ce que l’on est.[…].comment reprogrammer notre façon de nous exprimer, notre façon de nous dire »

L’authentique, adjectif devenu substantif, serait cette indéfinissable vibration de la valeur de soi que les autres perçoivent. Cela étant, s’il est imprudent d’affirmer que l’authentique n’existe que par le regard de l’autre, peut on être authentique par rapport à soi-même tant il est vrai qu’il nous arrive  de nous mentir?

L’authentique ne serait-il pas simplement « être soi-même » exprimé par le mot lacanien parêtre, ce Je subjectif énoncé opposé au paraître, ce Moi objectif imaginé?

Ayant dit et discuté ces points de réflexion avec les six participants trés motivés d’un très récent et dense séminaire de 5 jours de développement personnel que j’avais le plaisir d’animer, leurs réactions m’ont confirmé que cette question de l’authentique est vraiment centrale et …authentique en coaching de management et de vie personnelle.

Questions à se poser

  • Peut-on et comment travailler son « authentique » ?
  • Doit-on travailler son authentique au risque de ne plus « parêtre » naturel, paraître masqué, et d’habiller sa vraie nature d’un vernis plaisant ou plutôt « plaisable »?
  • Peut-on devenir authentique?
  • L’authentique en management est-il souhaitable, sachant que le manager qui se dirait authentique doit accepter d’être vulnérable et en quelque sorte prédictif ?
  • Doit-on risquer sa propre vérité et sincérité dans le jeu de l’entreprise ?

Me reviennent en mémoire les paroles de Ed H. manager américain d’un laboratoire suisse que j’ai bien connu et qui affirmait haut et fort à ses collaborateurs: « With me, you will get what I am ! » (Avec moi, vous aurez ce que je suis) c’est à dire je serai bien celui que vous avez devant vous et pas un autre déguisé.

Fermons la boucle! Quand le paraître (le Moi objet imaginé par vous et moi) ne fait plus qu’un avec le parêtre (le Je subjectif énoncé) et que la pensée rejoint le discours, c’est à dire quand la perception rejoint la représentation.

Alors authentique = la valeur d’être soi …même. Suite au prochain numéro.