Nous irons tous et toutes au bûcher…(des Coachs)

Si j’en crois les écrits récents du directeur de recherches au Centre de Communication Avancée International, Robert Ebguy,  auteur de « Je hais le développement personnel »  paru chez Eyrolles, tous les coachs seraient des démons plus ou moins promis au bûcher de l’excès des vanités personnelles. Coachs de tout poil, vous êtes -et moi avec- voués aux gémonies par ce sociologue (assez malin pour avoir trouvé dans notre fonction une sorte d’objet « socio-stylique », cf Bernard Cathelat auque j’ai cru comme fer dans les années 75) qui assure son bon public bo-bo qu’il faudrait brûler les coachs même s’il y met un point d’interrogation de réserve.

Vous en avez lu sans doute, comme moi, des échos dans la revue du TGV entre Paris et Marseille. Je suis allé un peu plus loin car j’ai payé le droit de lire Epguy pour 14,90 euros attiré sans doute par un signal sub-liminal accrocheur (Hep! Guy!).  D’ailleurs j’ai acheté dans la foulée pour 9 € « Les managers de l’âme » de Valérie Brunel, psychosociologue à La Découverte et « Extension du domaine de la manipulation de l’entreprise à la vie privée » chez Grasset de Michel Marzano, philosophe, chargée de recherches au CNRS pour 18,50 € et avec ces deux derniers livres j’en ai eu vraiment pour mon argent.

Ces ouvrages (qu’il ne faut surtout pas mettre dans le même cabas) font le constat que l’on serait passé d’un modèle paternaliste à un modèle ou paradigme (c’est mieux!) individualiste « selon lequel personne ne peut mieux que l’individu lui-même déterminer sa conception du Bien, et donc ce qu’il veut ou ne veut pas faire  » (Marzano). Ce besoin s’exprimerait par une volonté d’authenticité, de volontarisme et d’autonomie. Partant de ce constat, R. Ebguy et M. Marzano dénoncent les pratiques du coaching qui « reprogramment les cerveaux » reformattent les attitudes et comportements pour complier à une conformité dictée par l’entreprise , la société, les uns et les autres, sans respect (selon eux) pour la valeur intrinsèque de l’individu.

Ainsi les personnes ou les groupes qui souhaitent progresser et gagner leur place sont présentés comme des gogos manipulés qui subissent les conseils des coachs voire en deviennent les victimes consentantes. L’objectif avoué des coachs est de coller ou de faire coller à l’idéal-type du manager, de la mère de famille exemplaire etc.

Le coaching présenté comme une effraction n’aurait que des effets délétères développant même une certaine addiction!  Aider à développer sa valeur personnelle devient une sorte de péché, un peu comme ces sorciers du Moyen Age qui pactisaient avec le diable et que l’on brûlait en place de Grève et, ici et maintenant, sur pavé germano-pratin.

En fait l’attaque est plus vicieuse: les coachs sont accusés d’asservir l’individu à et par leurs pratiques au lieu de le libérer…. Et nos auteurs de brandir la menace de la dérive sectaire pour mieux stigmatiser.

Question. Mais que vend R. Ebguy? De quel bois se chauffe-t-il?  Allons voir, sans perdre la boussole, sur le site du CCA www.lecca.com

En gros, le CCA est une société qui vend des études qualitatives spécifiques (?) en organisant des focus groupes de consommateurs afin que les messages des produits ou des services promus par les firmes atteignent leur cible, en fonction des critères socio-démographiques, d’usage et de consommation et psychosociologiques. C’est à dire que ces gens sont des spécialistes du projectif et du comportemental, pour mieux faire acheter… rassurez-moi, rien de manipulatoire au niveau de l’individu ou des groupes (je me prends la tête de gondole!).

Apôtre de la créativité et de la création, R. Ebguy énonce que l’individu doit s’inventer lui-même et qu’il n’a besoin de personne et surtout pas du regard des autres. Exister par soi-même, apprendre à être…seul au milieu des autres, sociologie oblige. Beau programme de …développement personnel.

Sans l’aide de personne… comme c’est étrange. Ainsi, cette démarche de profilage et de positionnement appliqué, depuis 30 an et sans état d’âme aux produits et aux services serait dénié aux individus sous prétexte qu’il n’est pas moral que quelqu’un aide l’autre à faire le « marketing de soi »? 

Seuls les ouvrages de Valérie Brunel, qui intervient dans les entreprises et de Michela Marzano nous semblent nourris par une recherche approfondie et documentée et faire (un peu) la part des choses. Ces ouvrages sont, certes, plus difficiles à lire et demandent beaucoup plus d’attention que celui de Robert Ebguy qui se lit assez vite, une fois que l’on en a décodé l’argument. 

Loin de me faire douter, ces essais m’ont confirmé dans ma pratique éthique du coaching : aider l’individu qui le souhaite à mieux exploiter ses ressources et à devenir ce qu’il a envie de devenir (selon ses compétences et appétences) en l’écoutant et en lui faisant prendre conscience de lui-même et des autres sans viser ou apporter un schéma normatif.

Mon ouvrage en préparation « Les managers du possible »  s’en fera l’écho, en résonance avec celui de Vincent Lenhardt, « Les responsables porteurs de sens » Insep consulting et en contrepoint à celui de Valérie Brunel « Les managers de l’âme » . A la réflexion, je crois que je vais changer le titre de mon bouquin, trop sage et pas provocateur pour un sou, et l’appeler « Je hais la catégorisation qui me conditionne »

Le coaching mérite-t-il un procés… d’intention? Les voies accompagnatrices sont pénétrables et multiples. J’estime ne pas avoir besoin d’être certifié par quelque instance aussi prestigieuse et auto-proclamée soit-elle; ce qui compte est l’expérience et la supervision (je paye pour cela des personnes fiables et hautement qualifiées). Quarante années de management, de formation et de communication en entreprise me semblent un sauf-conduit suffisant comme le sont un cursus universitaire en anthropologie et psychologie, une pratique assidue des méthodes de créativité et de prospective (Merci Edouard De Bono!), une profonde foi en l’individu et un âge mûr sur lequel on peut aussi s’adosser.

L’authentique se cultive-t-il?

Soleil pâle d\'hiver

Commençons par un haiku, petit poème japonais…

Masque d’hiver pâle

Rosée gelée

Attendre

L’authenticité d’une personne est synonyme de sincérité, c’est-à-dire « ce qui exprime la vérité profonde de l’individu et non des habitudes superficielles (p.1024, Le Grand Robert de la langue française, 2001).

Je pense que la valeur authentique est ce qui se laisse voir d’une personne sans qu’elle en ait vraiment conscience c’est-à-dire la sincérité (du latin sin cerus : sans cire): ce qui transparaît  en dessous du vernis ou du fard. C’est la raison pour laquelle je pense que l’on peut cultiver et travailler son « authentique » (le rendre plus conscient) pour être plus heureux avdec soi-même et aider les autres.

« Je voudrais, tout le long de ma vie, au moindre choc, rendre un son pur, probe, authentique. Presque tous les gens que j’ai connus sonnent faux. Valoir exactement ce qu’on paraît, ne pas chercher à paraître plus qu’on ne vaut. » A. Gide, Les faux-monnayeurs, II, 4.

Les synonymes d’authentique sont : sincère, juste, naturel et vrai.

Perception de l’image juste et représentation du vrai, l’authentique s’exprime dans la façon de se dire.

Guy Corneau, dans sa préface au livre de Thomas d’Assembourg « Cessez d’être gentil, soyez vrai » (Les Editions de l’Homme, Montréal, Québec, 2001) écrit « Exprimer sa vérité dans le respect d’autrui et le respect de ce que l’on est.[…].comment reprogrammer notre façon de nous exprimer, notre façon de nous dire »

L’authentique, adjectif devenu substantif, serait cette indéfinissable vibration de la valeur de soi que les autres perçoivent. Cela étant, s’il est imprudent d’affirmer que l’authentique n’existe que par le regard de l’autre, peut on être authentique par rapport à soi-même tant il est vrai qu’il nous arrive  de nous mentir?

L’authentique ne serait-il pas simplement « être soi-même » exprimé par le mot lacanien parêtre, ce Je subjectif énoncé opposé au paraître, ce Moi objectif imaginé?

Ayant dit et discuté ces points de réflexion avec les six participants trés motivés d’un très récent et dense séminaire de 5 jours de développement personnel que j’avais le plaisir d’animer, leurs réactions m’ont confirmé que cette question de l’authentique est vraiment centrale et …authentique en coaching de management et de vie personnelle.

Questions à se poser

  • Peut-on et comment travailler son « authentique » ?
  • Doit-on travailler son authentique au risque de ne plus « parêtre » naturel, paraître masqué, et d’habiller sa vraie nature d’un vernis plaisant ou plutôt « plaisable »?
  • Peut-on devenir authentique?
  • L’authentique en management est-il souhaitable, sachant que le manager qui se dirait authentique doit accepter d’être vulnérable et en quelque sorte prédictif ?
  • Doit-on risquer sa propre vérité et sincérité dans le jeu de l’entreprise ?

Me reviennent en mémoire les paroles de Ed H. manager américain d’un laboratoire suisse que j’ai bien connu et qui affirmait haut et fort à ses collaborateurs: « With me, you will get what I am ! » (Avec moi, vous aurez ce que je suis) c’est à dire je serai bien celui que vous avez devant vous et pas un autre déguisé.

Fermons la boucle! Quand le paraître (le Moi objet imaginé par vous et moi) ne fait plus qu’un avec le parêtre (le Je subjectif énoncé) et que la pensée rejoint le discours, c’est à dire quand la perception rejoint la représentation.

Alors authentique = la valeur d’être soi …même. Suite au prochain numéro.

 

Commencer par coacher ses amis…pour ou contre

Question de D. qui se lance comme Coach libérale:

« J’ai une question à soumettre qui me préoccupe: depuis que j’ai annoncé à mon entourage que j’allais me lancer dans ma « micro entreprise au réel simplifié » (j’adore ce terme) de Coaching, j’ai déjà reçu 2 demandes de copines (non intimes, juste « camarades ») qui ressentent en ce moment le besoin d’être coachées sur une problématique professionnelle, et me demandent de les coacher formellement, en respectant le cadre bien sûr (convention, tarifs etc): qu’en pensez-vous? D’un côté, je me dis que si je ne commence pas par coacher mes copines, par qui je vais commencer?! Et d’un autre, je me demande si c’est aussi efficace, du fait que j’ai des infos sur elles? déontologique? (cf les psys qui prennent pas les conjoints ou les fratries etc); est-ce que ça vous est déjà arrivé?
Merci pour vos conseils »

Réponse

Bonjour D.
Pour répondre à ta question très légitime, voici quelques éléments de réflexion.

D’abord, se poser la question est une posture qui t’honore et qui fait démarrer ton activité sur de trés bonnes bases éthiques.

Rendre service aux personnes que l’on connaît est un réflexe très naturel; de même que nous avons tous tendance à demander d’abord un service aux personnes que l’on connaît. Or, il faut se dire que ce n’est peut être pas la meilleure solution…

Ce serait un peu comme demander à un avocat ami de plaider pour nous, un médecin de notre famille de nous soigner etc. Si je me réfère à un réglement de conflit entre deux personnes que l’on connaît qui vous mettent en position d’arbitre ou de médiateur, (a fortiori si le médiateur ne connait que l’une des personnes), il ne me semble pas possible déontologiquement de les aider à régler leur différend.

Dans le cas du coaching, il serait certes mieux d’accompagner des personnes que tu ne connais pas ou trés peu et qui te sont envoyées par un ami ou une relation. En effet, il est beaucoup plus difficile de coacher des personnes que l’on connaît mais cela ne me semble pas impossible.
Par ailleurs, de ce que je sais, je ne vois pas d’interdit déontologique à coacher quelqu’un que l’on connaît. Il est simplement nécessaire d’être beaucoup plus vigilant sur l’interaction.

Quelles sont les contraintes, les menaces et les précautions?

  1. Il faudrait savoir bien se décentrer de sa représentation antérieure de la personne [c’est bien sûr très théorique car, de toute façon, l’interaction prendra en compte, inconsciemment de part et d’autre ces représentations antérieures]. Il faut donc se résigner (terme négatif) ou mieux être très content (côté positif) de pouvoir faire jouer ces représentations. Ainsi lors du premier entretien (dit de faisabilité), énoncer, de part et d’autre, la représentation que l’on a de l’autre me semble nécessaire. Ne pas le faire pourrait situer l’interaction sur un plan factice et chacun sait que le coaching ne peut travailler que sur de l’authentique.
  2. Ce coaching ne peut se faire que sur une problématique professionnelle. Cela ne serait pas raisonnable sur du « coaching de vie ».
  3. Attention aux effets délétères qui sont

    • Manque de crédibilité,
    • Le fait que ces deux copines « essuient les plâtres » d’une activité débutante,
    • Difficulté de se positionner comme coach impartial,
    • Un prix trop négocié, symbolique car « je ne peux pas te prendre le vrai tarif !» placera ta prestation à un niverau de valeur faible.
    • Ne pas aller jusqu’au bout et se contenter d’un coaching accéléré ou tronqué

Quels sont les bénéfices et les opportunités

  •  
    • C’est une opportunité à saisir, car il faut bien commencer et, peu ou prou, nous avons tous commencé comme cela. Après c’est le bouche à oreille
    • Cela peut être très efficace, ce d’autant qu’un climat amical est déjà établi.
    • La confiance (élément essentiel) est donnée a priori et il faudra la mériter encore plus car tu as été choisie.

Si cela ne te dérange pas, je mettrai cette réponse sur mon blog en l’anonymisant, bien sûr et je pense que j’aurai des réactions intéressantes.

Guy Lesoeurs 

 

Urgence et dé (s)tresse

Bingo! La charte sur le stress dans les entreprises est signée. Comme c’est drôle, le 11 septembre, jour de stress et de détresse du calendrier hypermoderne, la CGT a signé.

De quoi s’agite-t-il (restons stress et non zen ? ) La transcription en droit franc d’un accord-cadre européen de…2004 qui est destiné à « augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress, par les employeurs, les salariés et leurs représentants » ainsi qu’à « attirer leur attention sur les signes suceptibles d’ (en) indiquer » la présence.

Dès que vous voyez un problème se profiler à l’horizon, pif, pam, poum! « une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire ».

Que la souffrance au travail soit une grande cause nationale. C’est bien. Y en assez des non-dits, des mises au placard, des exclusions et des petits chefs tyranniques (gente féminine comprise!) . Etre bien dans son entreprise! Quel bonheur rare! En fait, quand on est heureux c’est comme d’être bien portant, cela veut dire que tout baigne et que l’on ne s’aperçoit de rien.

Mais il ne s’agit pas de cela. On vous parle de souffrance, de mal être, de dépression voire de suicide. OK, l’entreprise cherche son profit à tout prix comme la mère Michel, son matou. 

Cette quête rend l’entreprise inhumaine, pour tous.

Il ya urgence. Il faut rétablir l’équilibre entre les aspirations des salariés, les inspirations des managers, les expirations exaspérées des DRH et les exigences économiques.

Bonjour l’alerte rouge! Les problèmes, y en a partout dans l’entreprise comme dans la vie. Par quel bout les prendre?

Comme le stress sera toujours et de plus en plus présent, il faut augmenter le seuil de tolérance, c’est à dire former les collaborateurs à s’en accoutumer, comme un sportif s’entraîne. Au début on manque de souffle et on se laisse atteindre au coin de la machine à café, comme un bleu mais on s’aguerrit vite. Ceci dit, on se forge une carapace et chemin faisant, on devient insensible, cela devient gênant. En apparence, car le stress est ainsi, dieu, il vous prend la tête. « Calme en avant et droit » la devise du Cadre Noir de Saumur est à conserver.

Comme le stress naît de la complexité des rapports humains c’est en améliorant les relations et en favorisant l’interaction que son niveau peut baisser.

Enfin, le stress fait perdre l’énergie car nous l’utilisons pour nous calmer et non plus pour être productif.

Aménager l’espace, le temps mais surtout . Il en sera d’autant plus efficace et transmettra son calme à toute l’entreprise.

Lâcher prise, un sacré programme…chiche

 

Accepter L’autre…

Quelques mots-clés pour me mettre un préalable quand je suis dans une démarche d’aide et que je pense être une personne ressource.

Accepter L’autre, cela veut dire accueillir (aimer c’est une autre paire de manches!) les gens comme ils sont . Ce qui est déjà un énorme pas. Certains le font sans se forcer, de manière authentique et naturelle. Beaucoup d’entre nous font des efforts et puis il y a tous ceux et celles qui restent sourds, muets et aveugles à L’autre.

Faire avec ce que L’autre est, dit ou fait, c’est essentiel dans l’accompagnement, car le coach n’est pas chargé de réenchanter le monde mais de développer chez L’autre qui s’est adressé à lui, en confiance, quelques stimuli de pensée et d’émotion qu’il pourra utiliser dans la gestion au quotidien de ses problèmes.

Faire préciser à L’autre ce qu’il dit. Un grand nombre de personnes ne se contente que d’un début de phrase, du style: « voilà! mais je ne vais pas plus loin car vous comprenez bien ce que je veux dire… » ou d’une bribe de récit comme s’ils s’excusaient d’importuner. Le fait de bien faire compléter le récit de la situation la clarifie souvent.

Ces trois « postures » mentales du coach devraient être aussi celles du manager. Et, dans la vie courante, combien de fois avons nous constaté que ce non-accueil, cette intolérance et tout ce non-dit ou presque dit sont la source de bien des malentendus et des conflits et, en tout casz, entretiennent la complexité?

Guy Lesoeurs