CE LIVRE SE TROUVE MAINTENANT EN LIBRAIRIE
J’ai le plaisir de vous confirmer la sortie de mon nouvel ouvrage aux Editions Glyphe, Paris :
« Châtaigne et Patchouli, gens du Paradou »
Les gens du Paradou vivent dans un petit coin de paradis, dans la Vallée des Baux de Provence.
En début d’ouvrage, je décris l’âme de ce petit village, si attachant que j’habite aujourd’hui. Puis, je consacre le corps de l’ouvrage à deux Paradounais, Don Tadée et son épouse Carina.
Après avoir vécu leur enfance respectivement en Corse et à Paris, ils se rencontrent à Marseille dans les années 50 pour ne plus se quitter. Auparavant, Don Tadée aura fait de la résistance et débarqué en Normandie où il sera blessé. Par la suite, il vivra en personne le naufrage du Champollion à Beyrouth. Carina passera son enfance chez les Soeurs du Sacré-Cœur, puis mariée très jeune, se fera enlever, dans la plus pure tradition romantique, par Don Tadée. Dès lors, nous suivrons ce couple dans leurs pérégrinations, des parfums aux produits de luxe français vendus aux équipages des marines militaires étrangères.
Je vous remercie de l’accueil que vous voudrez bien réserver à mon ouvrage dont les droits d’auteur seront entièrement versés à l’Association Maria-José Handicap Solidarité France Equateur et à la SPA des Baux de Provence. Merci de transférer ce mail à vos amis de façon à en élargir la diffusion.
Guy Lesoeurs
Sociétaire de la Société des Gens de Lettres, Membre du Groupement des Ecrivains Médecins,
Membre de la Société des Poètes Français et de la Société de Lecture de Maussane les Alpilles.
Quelques extraits de Châtaigne et patchouli », ci-après
« Un p’tit coin de Paradou.
C’est en venant de la Crau, après la garrigue du mas de la Fourbine, que l’on découvre l’un des plus beaux paysages de Provence. La chaîne des Alpilles s’étale sous nos yeux sur une trentaine de kilomètres d’ouest en est, pratiquement des rives du Rhône à celles de la Durance. Au centre, on repère la falaise déchiquetée des Baux, à gauche les monts Valence et Montpaon au dessus de Fontvieille et, à l’extrême droite, la tour des Opies surplombant le village d’Aureille.
Longeons maintenant l’ancienne voie bordée de platanes. La route est rectiligne. Un tableau changeant s’offre en régal pour les yeux, en toute saison. Pour le moment, c’est novembre. Les marais asséchés ont pris leurs cultures d’automne et les champs de terre grise répondent aux écorces squameuses blanches et vertes des platanes. En fond de panorama, les rochers des Alpilles se parent de l’or rouge du soleil qui s’allonge pour faire sa nuit sur les créneaux de l’abbaye de Montmajour.
Comme des vagues laissées par la mer, les chaînons calcaires érodés du piémont des Alpilles se dressent mollement. Trois tours médiévales en ruine encadrent une ronde colline de calcaire ; le Castillon sur le chaînon de La Pène. Là, était situé un premier rempart contre les Sarrazins, un hameau fortifié depuis des temps très reculés surplombant les marais que ses habitants délaissèrent pour rejoindre au « sec » dans la vallée des Baux les feux réunis autour de l’église Saint Martin au Paradou, appelé ainsi à la Révolution. Nous y habitons depuis quelques années. Provençaux d’adoption, nous sommes des « pièces rapportées » comme on dit ou encore « des estrangers » mais nous ne le ressentons pas tant les gens d’ici ont du cœur.
Il existe au Paradou un parfum flottant, une odeur que seuls ceux qui y ont élu domicile peuvent ressentir. Je dirai même « re-sentir » car cela se produit chaque fois que l’on revient chez nous. C’est un mélange d’effluves plutôt féminines portées par le vent de la mer qui a glissé son aile sur la Camargue et d’autres de genre masculin faits de senteurs de cyprès, de cistes et de lavandes levées par la lame puissante du Mistral. Avec ce parfum très spécial, pot-pourri ténu mais tenace, ce petit coin de paradis possède une âme. Il y a bien longtemps tournaient au Paradou des moulins à foulon entraînés par l’Arcoule, un gaudre des Alpilles –un torrent apparemment anodin et souvent à sec en été mais qui se réveille comme un rebelles à l’automne-.pour battre le drap, le rendre moins rêche et le parer, d’où le nom de « paradou ». Rien à voir, étymologiquement avec le paradis et pourtant…
Ce petit village d’un peu plus d’un millier d’habitants qui se situe donc en Provence, au piémont sud des Alpilles, dans la Vallée des Baux où le mistral nous laisse peu de répit comme aux nuages, ne possède, à première vue, rien de bien particulier.
D’abord, il y a le vent qui est le prix à payer pour garder un ciel bleu lavande comme savait si bien les peindre notre amie Célestine.
Le climat est doux, les maisons souriantes et le calme y règne. La boulangère a installé sur sa terrasse lilliputienne deux tables et quelques chaises. Avec la boulangerie, l’épicerie/journaux est le lieu de rencontre des résidents permanents et des secondaires. Dans la rue principale du village, on croise quelquefois un célèbre acteur humoriste à la voix inimitable qui vient en vélo de la colline voisine…. » […]
…. »Un jour en Corse
Fin d’été 1943
Il est près de midi. Le soleil chauffe la terre de mon village. Les Allemands viennent me prendre. J’ai vingt ans révolus.
Je suis né quelques jours avant la Noël de 1923 dans une petite maison de la riche plaine agricole de Marana qui jouxte la côte orientale de la Corse et où je demeure jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans. Puis, nous habitons le village perché sur une colline d’oliviers, Lucciana, qui est sous la protection de la Canonica, la cathédrale Santa-Maria-Assunta consacrée par l’archevêque de Pise en 1119. La maison est faite de blocs de granite gris. C’est bien en été car il y fait frais. En hiver, malgré le feu dans la cheminée, ce n’est pas loin d’être pareil. Maman empile sur mon lit des tonnes de couvertures et des édredons. J’ai l’impression d’être au creux d’un océan dans mon lit et je me prends pour un grand navigateur et quelquefois pour un corsaire royal.
Alors que je suis un peu plus âgé, je deviens enfant de chœur, car mes parents sont très croyants. Comme ils connaissent très bien le curé, ils s’accordent pour m’envoyer au petit séminaire à Ajaccio. Ce n’est pas la joie car il faut, entre autres corvées, aller à la messe de 7 heures et qui plus est s’y rendre à jeun. Après l’office, les curés nous donnent du riz bouilli dans un immense réfectoire où cela sent le moisi et cette doucereuse odeur de messe froide qui vous envahit le nez quand les cierges sont soufflés et que les encensoirs exhalent encore un peu de leur parfum lourd.
Une fois par semaine, nous avons droit à une portion de « brilluli », une sorte de pâte faite avec la farine de châtaigne que j’apprends à aimer là-bas et dont je ne pourrai plus me passer maintenant. C’est un peu ma petite madeleine de Proust à moi, celle qui me ramène le parfum de mes souvenirs. La famille a coutume de dire que j’ai un nez très fin : il est vrai que je sais sentir l’odeur de la châtaigne alors que beaucoup de corses vous affirment qu’une châtaigne ne sent rien du tout !… […]
…. »Le naufrage
Ce matin du 22 décembre 1952, je suis en train de me raser. Il est environ 5h 45. D’ailleurs, je m’en souviens si bien que, depuis ce jour, je me rase toujours à cette heure là, hiver comme été. Je manque de me balafrer avec mon coupe-chou, un rasoir que je tiens de mon père. Une secousse énorme, puis une série d’autres chocs ébranlent le navire comme s’il rebondissait sur le fond. La lumière s’éteint. Le bateau penche très fort d’un coup. Le hublot de ma cabine, sous la ligne de flottaison, éclate sous la pression de la vague et l’eau pénètre à gros bouillons.
Le Champollion est agité de soubresauts comme s’il tentait de se dégager de quelque chose qui le retient. Il y a des bruits de tôles froissées, des raclements sinistres. Je suis torse nu, le visage envahi de mousse à raser. Prudemment, je plie mon rasoir. Pas de gilet de sauvetage dans ma cabine ! Je dois sortir, vite ! Je reviendrai prendre ma précieuse valise verte mais il me faut à tout prix trouver ce satané gilet. Je connais le bateau comme ma poche. Je vais bien en trouver un. Dans le couloir, c’est l’obscurité presque totale, des gens me bousculent en criant. J’entends le commandant demander par haut parleur de nous placer tous sur le pont-promenade à bâbord afin de compenser la gîte importante du bateau; il a même la présence d’esprit de spécifier en plus « à gauche ! » en plusieurs langues.
Je suis sur le pont avec mon gilet. Je me maintiens comme je peux au bastingage par une corde. Tout à côté de moi, une dame qui habite l’Ile de la Réunion ; elle serre sa petite fille dans ses bras. Elles sont tétanisées par la peur et la petite fille pleure à gros sanglots en me regardant fixement à travers son rideau de larmes. Je vérifie que la petite est bien attachée à son gilet qui est un peu trop grand pour elle. Ce faisant, j’essaie de lui sourire mais je n’en mène pas large moi non plus (c’est le cas de dire, sur un bateau !). Nous allons rester dans cette position plus de trente -six heures. A cette époque-là, il n’y a pas d’hélicoptères pour nous secourir. Il est impossible d’approcher les canots de sauvetage du bateau, de plus, certains ont été éventrés quand on a essayé de les amener. « ….[…]
… »Recife. C’est un autre week-end au Brésil, cette fois à Recife qui est un très grand port. Je loue une voiture pour me promener du côté de Porto Galinhas car Bahia est beaucoup trop loin. La voiture tombe en panne à la tombée de la nuit. Je la pousse sur le bas-côté et je fais du stop, pas très fière car la route jouxte la forêt de laquelle proviennent des bruits bizarres. Soudain un bruit plus fort que les autres se produit derrière la côte où je me trouve dans ce semi-crépuscule et cela majore mon angoisse. Un grand tintamarre de ferraille et de casseroles précède une lumière cahotante. C’est une manière de bus. Sans doute le plus vieux du monde ! L’ancêtre possède même une impériale. On dirait un bus parisien. En fait, ce car tout rouillé qui n’en peut plus à chaque tour de roues, porte dans son ventre et sur son toit le plus invraisemblable méli-mélo de personnes, de volailles, de vélos et de ballots que je n’ai jamais vu. Il s’arrête un peu plus loin dans un fracas d’apocalypse. Je monte à l’intérieur. L’habitacle est plein à craquer. Je peux enfin me caler entre un cageot de mangues et un cabri qui se met à me lécher les oreilles consciencieusement. Un paysan me fait signe de prendre une mangue et me passe son couteau pour l’ouvrir. Une femme à la face cuivrée (d’origine amazonienne, je présume) et aux dents éclatantes de blancheur me tend un gobelet de café chaud. L’ambiance est du tonnerre ! Tout le monde s’accommode des soubresauts et des hoquets du bus qui aborde franchement les nids de poule et les ornières. Les paysans chantent et rient. Je suis loin de comprendre toutes les raisons de leur joie de vivre mais j’imagine que c’est leur caractère. Je rie avec eux, et plus je ris, plus ils chantent. Je saisis qu’ils vont tous au même village qui s’appelle Fribourg comme en Suisse, situé à une vingtaine de kilomètres. C’est d’ailleurs le terminus pour ce soir car il est très dangereux de voyager la nuit dans ce coin. Nous y arrivons enfin et l’un des passagers me conduit au poste de police d’où je peux téléphoner à l’agence de location pour venir me chercher et prendre la voiture ou ce qu’il en restera. Ils seront là le lendemain matin. Mon guide ne veut pas que j’attende au poste et m’offre l’hospitalité. Sa maison est toute proche. Il s’agit d’une maison simple en planches peintes en rouge sang entourée de fleurs magnifiques et notamment de fruits de la passion qui grimpent allègrement le long des murs. Son épouse et ses enfants me font une place autour de la table et me donnent à manger. C’est excellent. Le lait est délicieux et madame ouvre même une boîte de biscuits à la cuiller… »